jeudi 25 août 2016

Nathacha Appanah -Tropique de la violence - Editions Gallimard - Paris - 2016

















Nathacha Appanah auteure mauricienne...
Roman, action : Mayotte

C'est l'histoire de Moïse le fils de Marie, une française qui a épousé un Mahorais et est venue vivre sur la petite île.Marie ne peut avoir d'enfant et son époux la quitte. Elle recueille un enfant qu'une jeune  Comorienne clandestine fraîchement débarquée d'un kwassa kwassa (bateau qui amène les clandestins), lui a abandonné à cause de l'oeil marron et de l'oeil vert du bébé: un signe porte malheur , l'oeil du djinn.
Vers l'âge de 14 ans, Mo commence à traîner avec La Teigne , un petit malfrat du bidonville de Kaweni rebaptisé Gaza par ses habitants. Très rapidement Mo rencontre Bruce , le jeune chef de ce bidonville écrasé par le soleil et la misère. C'est à ce moment là que Marie , la mère adoptive de Mo meurt subitement. L'enfant se retrouve livré à lui même. Il erre dans le quartier avec son chien Bosco et devient à son tour le "petit chien" de Bruce obéissant aveuglément au caïd. Une relation complexe va se jouer entre les deux adolescents. Bruce ménage en effet Mo car il pense que l'oeil du djinn est à la fois une force qui pourra lui être utile tout en le redoutant surement au fond de lui même. Moïse tente par moment de retrouver son enfance choyée mais il s'enfonce inexorablement dans la misère à coup de défonce chimique, de colère , de perte d'identité...Et le drame surgit : Bruce est tué. Gaza est en ébullition . Que s'est-il passé? Comment Moïse va-t-il faire face à tous ces évènements?

Après la dernière chronique du livre de Nathacha Appanah "En attendant demain" je m'étais  promis de ne plus comparer l'auteure en question avec Ananda Devi. Et pourtant tout ici nous ramène à la grande écrivaine mauricienne et surtout à son roman "Eve de ses décombres" : la collection blanche de Gallimard , la nationalité des deux romancières, le thème (des adolescents  "aux destins cabossés pris au piège d'un crime odieux") , la problématique ilienne, tropicale, indianocéanique, la polyphonie des voix qui s'expriment les unes après les autres. Chacune des deux auteures donnant la parole à leurs divers personnages qui s'expriment tour à tour à la première personne...
La colère, la compassion exprimées envers ces jeunes cabossés par la vie , ne suffit pas toutefois chez Nathacha Appanah a nous embarquer totalement. Fan absolu de l'auteure, je dois avouer avoir été un peu déçu cette fois. La noirceur du récit glace parfois. Là où Ananda Devi nous fait oublier parfois cette noirceur grâce à son admirable prose poétique, là où Christine Duvergé dans le très noir et très remarquable "Camp agonie" sorti aux éditions Pamplemousses,  nous laisse entrevoir une lueur d'espoir et de résilience , Nathacha Appanah nous conduit droit au chaos. Aucun signe, qu'il soit humain, divin, ou simplement lié à la chance ne viendra sauver ces enfants.

L'histoire se déroule à Mayotte mais l'auteure nous sort peu du bidonville. L'action aurait pu se dérouler dans un slum indien, une favela de Rio, un township de Johannesbourg...Le problème de Mayotte n'est pas le bidonville mais bel et bien la frontière, comme à Calais. En cela, l'histoire et la géographie de  Mayotte restent en suspens .L'auteure nous signale bien que la frontière maritime, franchie de part en part par les clandestins des îles voisines, qui voient Mayotte comme un eldorado, reste le problème majeur. Mais cela n'est prétexte qu'à remettre en cause le rôle de la  République  française et à s'apitoyer sur le sort des clandestins miséreux et violents, faisant craindre une réaction non moins violente de la part des Mahorais d'origine qui n'en peuvent plus de subir l'assaut des frères comoriens des autres îles, celles qui ont choisi par référendum de ne plus être liées à la République française depuis la fin des années 1970.

Moïse est l'enfant perdu de cette frontière entre deux mondes. Le djinn de l'enfant est sa capacité à voir le monde vert des Blancs riches cultivés et le monde  noir des Noirs pauvres déracinés pour partie d'entre eux, à comprendre que sa place est partout mais aussi nulle part sur cette île de la République française qui n'a pas plus les moyens (politiques, financiers, juridiques, moraux, philosophiques...) de faire respecter les frontières que de les abolir (la frontière géo-économique tout autant que la frontière culturelle)

Nathacha Appanah nous a habitués à un style en demi-teintes avec des récits en clair-obscurs empreints de sensibilité et d'humanité. Ici la colère conduit l'auteure à nous livrer une réalité crue, violente et désespérée qui fait passer la sensibilité en arrière plan. Cela nous a un peu manqué.

Dernière nouvelle,le roman de Nathacha Appanah est en lice parmi les seize retenus  pour  le prix Goncourt
http://www.lemauricien.com/article/en-lice-prix-goncourt-2016-natacha-appanah-tropique-la-violence-les-rescapes-toute-vie

et le Prix Médicis... aussi :
http://www.lemauricien.com/article/tropique-la-violence-nathacha-appanah-passe-la-2e-selection-du-prix-medicis

autre article du journal "Le Mauricien":
 http://www.lemauricien.com/article/rentree-litteraire-francaise-2016-roman-permet-la-chair-des-choses-selon-natacha-appanah

au final elle remporte le prix fémina des lycéens
 http://www.lexpress.mu/article/295253/nathacha-appanah-recoit-premier-prix-femina-lyceens


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