Gilles Jobidon : auteur québécois
Roman
Action : Ile Maurice , Ile de la Réunion, France, Californie ...
Certains romans vous retiennent par leur suspens, leurs émotions, leurs aventures. D'autres par leur rythme, leur style. Il y a un peu de tout cela chez cet auteur canadien que je ne connaissais pas et qui s'impose avant tout comme un fabuleux ordonnanceur de phrases. Chacune semble pensée, pesée, chatouillée pour attirer l'attention du lecteur. Inspiré par le sujet de son roman, Gilles Jobidon laisse sa prose musarder aux délices ravageurs de Charles Baudelaire, héros malgré lui de cette aventure véridique que l'auteur féconde de son imagination. Des bas-fonds de Port-Louis aux maisons bourgeoises, le génial auteur des "Fleurs du mal" vagabonde de désespoirs bleutés en fulgurances extatiques qui donneront bientôt naissance au célèbre poète pour l'instant en devenir.
C'est ainsi que Gilles Jobidon nous emporte de bonheur :
A propos de la longue traversée en bateau et de l'arrivée à l'île Maurice qui ont mis à rude épreuve le jeune Baudelaire :
"Trois mois à vivre entre un ciel ensorcelé et cette mer qui n'en finit plus où, lui-dit-il, il n'y a que du bleu, du bleu et du bleu, avant de débarquer dans ce puits à moustiques, sur ce perchoir à perroquets barbouillé de vert à s'en écoeurer pour le reste de la vie"
Gilles Jobidon est particulièrement inspirée par Maah, son héroïne mulâtre surdouée et humaniste dont les soliloques adressés comme une prière secrète à Baudelaire, vous transpercent l'âme :
"Peut-être as-tu remarqué que les lézards entrent et sortent comme s'ils étaient chez eux. C'est de nous qu'ils sont envahis.Le mot qui t'est venu sur ma façon de vivre est misère. Tu as tout faux.La liberté est le plus grand des luxes. Plus vaste, plus riche que vos plafonds de stuc , vos murs tendus de soie et vos parquets cirés.Tu as tout à apprendre des temps immobiles. De nos étés sans portes, nos murs transparents, nos hivers chimériques. Comme toi, j'ai connu la douleur de trop vouloir. Toute ma vie j'ai travaillé pour ceux qui se meurent de désir. J'en suis presque morte, mais j'en suis revenue."
Plus loin, l'héroïne s'allonge auprès du jeune poète endormi et continue :
"J'ai longtemps goûté au plaisir de te regarder dormir dans la ferveur du soir. Les hommes sont plus beaux lorsqu'ils sont endormis. Leur visage ressemble à celui qu'ils avaient avant que l'enfance les quitte et que le temps leur ombre les joues"
Enfin, impossible de ne pas citer ce merveilleux manifeste que Gilles Jobidon martèle de toute sa fougue :
"L'art est lent. La vie est courte. Décrire n'est rien. Décrire est une bagatelle. Ecrire est difficile. Graver pour les siècles futurs des phrases indélébiles comme celles que fabrique Charles Baudelaire tient du prodige. Ecrire c'est semer, vivre, aimer, jouir. Douter, souffrir, prier, oser, se perdre, se pendre. Ecrire, c'est écouter la lune. C'est brouter les nuages. Boire le corps des mots, manger le sang de la langue..."
La fin de ce paragraphe magnifique est mise en exergue tout en haut de la quatrième de couverture.
Que rajouter? Trois choses : bravo , merci et même si ce roman semble déjà difficile à trouver, malgré sa date récente de parution, procurez-vous le,...je ne saurais vous expliquer ni comment, ni pourquoi mais il fait du bien.
A noter que ce roman est divisé en trois parties : après avoir suivi Charles Baudelaire à l'île Maurice et à l'île de la réunion, Gilles Jobidon retourne à Honfleur pour s'attacher à sa mère Caroline et finir dans la troisième partie par la fille.... supposée de Charles Baudelaire d'où le titre "La petite B." en suivant ses aventures en Californie lors de la ruée vers l'or.
Notons enfin au passage que notre grand poète et sa descendance supposée , d'Alain Gordon-Gentil (J'attendrai la fin du monde) à Gilles Jobidon, inspirent encore beaucoup les écrivains contemporains.
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