jeudi 1 novembre 2018

Charline Malaval - Etrangères - Editions Lucien Souny - 87400 La Geneytouse - 2018
















Charline Malaval : auteure française
Roman
Action : Ile Maurice, sur le littoral ouest , du côté de Rivière Noire, un bungalow à proximité de la plage de La Preneuse .

Emma, une française trentenaire vit depuis quelques mois à Maurice mais un événement tragique, l'oblige à rentrer en urgence en France. Hélas, un violent cyclone menace et bloque l'aéroport. Perdue à un arrêt de bus du côté de Flic en Flac , Emma fait la connaissance de Priyanka une hindoue à peu près de son âge. A défaut de se connaître, les deux femmes se reconnaissent : leurs fragilités, leurs culpabilités, leurs errements, leurs doutes les rapprochent.Priyanka décide de ne pas rentrer chez elle et de suivre Emma qui l'a invitée à Rivière Noire dans l'appartement qu'elle loue.
Emma lui soumet la culpabilité qui la ronge : sa mère est entrain de mourir et elle voudrait lui dire au revoir, lui demander pardon d'être partie , revenir sur les dernières choses qu'elles se sont dites...
Priyanka , à son tour , lui dévoile les ombres qu'elle traîne comme un boulet : Sur son lit de mort , son père lui a fait jurer de n'épouser qu'un hindou et seulement un hindou pour qu'elle honore la famille, pour qu'il puisse en tant que père connaître le repos éternel...Follement amoureuse d'un musulman ,Priyanka a vécu un drame, il a fini par la quitter pour épouser une femme de sa religion.
Le cyclone déploie son courroux. La complicité entre les deux femmes se meut en rivalité. La parole des défunts est leur point commun. Mais les cultures et les religions les opposent. Emma est athée, ne croit pas en l'existence d'un Dieu supérieur. Priyanka se moque : "Pour nous être athée , c'est la religion d'Europe".
La jeune indienne devient de plus en plus violente et  la folie s'empare d'elle au fur et à mesure que le cyclone vrombit . Emma a peur. La haine dévore les deux jeunes femmes. Emma éructe " Allez crache le morceau , dis moi ce que tu as contre moi ! "
Priyanka lui reproche de ne pas être capable de se rendre heureuse , elle lui reproche d'être libre ; " Je connais les filles comme toi . Tout s'arrange toujours. Même l'amour est possible pour toi." Les vagues à l'âme et les dilemmes moraux de la jeune française l'exaspèrent tandis qu'elle se considère dans une situation bien plus inextricable , liée à jamais à la promesse faite à son père , à sa famille , à sa culture , à sa religion qui l'ont enfermés dans le déni de son amour. Elle et son amoureux musulman qui lui même a rejeté Priyanka pour les mêmes raisons : l'enfermement dans sa religion, dans sa culture par lâcheté et confort.

Comment les deux femmes vont-elles s'extirper de ce huis-clos étouffant au milieu du fracas et du chaos?

Ce premier roman de Charline Malaval , une jeune française qui connaît l'île Maurice avec ses tripes, cogne les âmes et les coeurs.
Nous passerons sur quelques points de crédibilité à améliorer dans le futur (le terrible cyclone n'empêche pas les jeunes femmes de parler , le vent éventre la baie vitrée mais la porte de la salle de bain où se sont réfugiées les protagonistes résiste. Emma se déplace en bus et en taxi au début du roman, mais à un moment donné, elle sort sa voiture garée près de son appartement , elle n'a pas souffert du cyclone et elle permet à Emma de se rendre à la ville voisine en slalomant entre les arbres, la route n'étant miraculeusement pas coupée...) .
Ce qui nous retiendra ici , ce sont :  le suspense angoissant, la folie sans cesse naissante et sans cesse fuyante au gré des bourrasques, l'analyse psychologique fine de deux jeunes femmes entre deux mondes , deux cultures, deux amours , deux familles, deux paroles. "Le plus important ce sont les mots. Les choses s'envolent , se cassent et se perdent. Mais les paroles restent quelle que soit la force du vent." Quel beau manifeste pour une jeune auteure déjà essentielle, qui comme Ananda Devi , Lindsey Collen , Nathacha Appanah, Christine Duvergé et tant d'autres.... a su admirablement conter "le paradoxe des îles tropicales, ... le chaos derrière le paradis" et je rajouterais : la parole des femmes !

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