samedi 19 mars 2016

Alain Gordon- Gentil - J'attendrai la fin du monde - Editions Julliard - Paris - 2016



Alain Gordon-Gentil : auteur mauricien
Action : île Maurice au moment de l'indépendance en 1967, jusque dans les années 1970...

Des chroniques dans "Le Mauricien": ( sélectionnez le lien , avant de l'ouvrir)

 http://www.lemauricien.com/article/j-attendrai-la-fin-du-monde-d-alain-gordon-gentil-confessions-intimes
 http://www.lemauricien.com/article/present-au-salon-du-livre-paris-j-attendrai-la-fin-du-monde-gordon-gentil

       Horace Baudelaire, descendant du célèbre poète, travaille au "Vigilant", journal anti-indépendantiste en 1967 au moment où se joue l'avenir de l'île Maurice. Il gagne bien sa vie à écrire des articles enflammés pour combattre le départ des Britanniques , alors qu'au fond de lui même il est favorable  à l'indépendance. Cela le rend souvent malade au sens physique du terme.
Sa rencontre avec Ansaa , la fille du gouverneur britannique, métisse indienne, va pour quelques temps le sauver de l'impasse morale dans laquelle il se trouve. Ansaa ne conçoit la vie que charnelle ou spirituelle. Par contre l'engagement lui fait peur et quand Horace dans les années 70 , décide de s'engager dans le processus de réconciliation nationale initié par les deux anciens ennemis politiques devenus alliés (Ramnauth et Durenger) , Ansaa quitte Horace.
Comment ce dernier va-t-il réagir? Va-t-il sombrer? Rebondir? Trouver dans l'engagement un nouvel idéal?

        En lisant le pitch de ce nouveau roman d'Alain Gordon-Gentil, nous nous attendions à approcher le souffle de la grande histoire: de l'indépendance aux premières années de lutte, d'échecs et d'espérances.(Tout juste y trouvera-t-on la peur panique ou calculée de certains créoles et franco-mauriciens face à "l'indianisation" annoncée du reste de la population).
Or le propos de l'auteur n'est pas celui-ci. C'est l'histoire d'un homme et d'une vie. L'utilisation de la première personne du singulier réduit le propos au point de vue du héros : Horace Baudelaire qui se cherche à travers ses idéaux, ses rêves, son envie d'amour, de richesse, de reconnaissance  qu'il met en parallèle avec ses lâchetés au quotidien, ses renoncements voire ses trahisons.
Le parti-pris de réduire, ce qui aurait pu être une fresque épique, à la simple évocation d'un être en quête de lui même et du monde qui l'entoure , nous a au départ un peu mis sur la réserve.

        Toutefois, c'est en lisant dans l'hebdomadaire "Le Point" du 24 septembre 2015, une interview de Régis Debray que nous avons  pleinement apprécié ce roman.Le philosophe y dénonce la fin de tout ou partie des idéaux collectifs . Ce qui faisait bondir et réagir ainsi, le journaliste, Laurent Joffrin dans le journal  "Libération" du 1er octobre 2015:
       "...Debray a trouvé un dernier objet manquant : l’histoire, qu’il rebaptise d’un familier «Madame H.» Ainsi, cette maîtresse femme, qui a suscité tant de passions furieuses, aurait pris congé du monde. Aux émois collectifs, à la mystique du futur, aux élans patriotiques ou idéologiques, succède une planète angoissante et morose, shootée à la communication, où les classes très moyennes s’ennuient dans un Disneyland à peine francisé. Nous n’aurions plus de bonnes guerres, massacrantes à souhait, ni de révolutions bien sanglantes, ni de projets mirifiques, ni d’orages désirés. Nous vivons petitement dans une petite nation qui s’efface doucement dans le Grand Tout mondialisé, sous la férule bonasse de l’oncle Sam et de la tante Angela. Adieu drapeau, adieu parti, adieu avenir radieux, adieu lendemains qui chantent ou déchantent..."

        Nous avons eu l'impression en lisant les propos de Debray et la critique de Joffrin que les aventures de Horace Baudelaire n'étaient rien d'autre que l'illustration d'un homme pris dans cet engrenage de la fin de l'histoire. Horace vit petitement dans une petite nation  qui s'efface doucement dans le Grand Tout mondialisé. Shooté à la communication, terrassé par l'effacement des drapeaux, des partis, de l'avenir radieux, par le départ d'Ansaa, par la confrontation décevante de ses rêves à sa réalité quotidienne, Horace tangue , chavire, se noie et se sauve... jusqu'à la prochaine fois, jusqu'à ... attendre la fin du monde!    
         Lumineux et terriblement contemporain.


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