dimanche 5 décembre 2010

Michèle Malivel - Passeport pour Moka et bien d'autres lieux ...( Nouvelles) - Auto-édition - Ile Maurice - 2007


Auteure mauricienne
Action à l'île Maurice pour l'essentiel des nouvelles



Passeport pour Moka, recueil de souvenirs d'enfance de Michèle Malivel, historienne de l'art et conférencière, montre qu'on ne sort pas indemne de l'étonnement du monde insulaire. L'expérience marquante de l'exil va de pair avec l'exubérance lyrique, illustrées par les lieux traversés et qui fondent l'espace géographique du livre. L'auteur se situe dans une entre-deux culture qui se fonde à la fois sur la volonté de se pencher sur une enfance heureuse pour la nommer et le besoin de se détacher des manques. Un aller-retour entre l'enfance mauricienne et le monde.
Dix-sept nouvelles composent Passeport pour Moka, avec comme élément principal des chroniques sociales, dont le Bal de Saint Antoine, La Guerre en pointillé, Ces demoiselles du Couvent de Lorette, Une journée à Curepipe et bien d'autres. Il s'agit en fait de thèmes qui proviennent de la vie quotidienne à l'époque coloniale en même temps qu'ils s'appuient sur des événements historiques.
Le fil conducteur des nouvelles de Michèle Malivel concerne les lieux. Les récits évoquent principalement Maurice comme lieu de narration et d'identification et d'autres pays dans lesquels l'auteur a voyagé. Des récits de souvenirs d'enfance heureuse au caractère cocasse. Ils se déroulent au rythme de voyages (Moka, Curepipe). Les textes se densifient autour d'images récurrentes et fortes pour le narrateur: les maisons coloniales avec leurs "volées de marches", leur mystère, les bals, les belles, les nénènes et serviteurs, les petites filles modèles, un monde féerique entouré de champs de cannes. "La vie sur la propriété sucrière était merveilleuse. On prenait tout son temps. On vivait au milieu des cannes et je ne sais rien de plus attachant qu'un champ de cannes. D'abord, les jeunes pousses surgissent de notre terre rouge timidement, leur vert tendre encore frissonnant. Puis, adolescentes, elles arborent les fleurs ondoyantes justes assez roses pour trancher avec le bleu du ciel… Je savais juste que j'aimais m'asseoir pour les regarder dressées autour de la maison comme un rempart inexpugnable. Elles étaient les murs de mon palais enchanté, celles pour qui je n'avais pas de secrets."
La référence à l'époque, le contexte de naïveté rendent visibles les transformations profondes qui ont marqué la société mauricienne après la colonisation. Les nouvelles de Michèle Malivel correspondent à un autre regard porté sur la réalité coloniale en rapport avec le monde de l'enfance. Un imaginaire serein et idéaliste qui laisse voir les séquelles coloniales dans les mœurs et les mentalités.
Une des nouvelles qui sert d'ancrage et dont les motifs trouvent leur source dans la période privilégiée de l'enfance reste Passeport pour Moka. Un lieu qui excite l'imagination de l'auteur avec ses belles demeures: Château Trompette, les Quatre-Vents, Eureka, Amélie les Roses, Clos Joli, Bellevue… Monde clos, dépositaire des éléments de la francophonie. Évoquant ses ancêtres exilés, le narrateur dira: "Beaucoup donneront des noms français à leur domaine pour mieux se souvenir, certes, mais aussi pour que tous sachent bien d'où ils venaient. De même qu'il y a un terroir pour le vin, le nom français était pour eux leur "appellation d'origine" que chacun contrôlait soigneusement. Cela permettait de les différencier de ces aventuriers sans scrupule qui venaient faire fortune dans le commerce et dont l'origine s'avérait, bien souvent, plus que douteuse ! Il y a toujours de tout dans les îles…"
Le caractère autobiographique de ce genre de récits éclate au détour de chaque page, conférant au texte une certaine pesanteur. Les récits et microrécits sont souvent cantonnés à la répétition lassante d'un même schéma narratif: le voyage, l'exploration des lieux à travers le regard de l'enfant, leurs particularités et les émotions restituées. Reste l'écriture de l'auteur, dont la verve se fonde sur une acuité descriptive et une création lexicale abondante parfois bien inspirée. Reste aussi ce réalisme magique qui donne aux actions les plus banales une certaine densité. Par-dessus tout, la quête de la narratrice devient un argument textuel qui peut se ramener ici à un espace fondamental où les souvenirs deviennent des trésors. Michèle Malivel aurait peut-être gagné de nous livrer ses réflexions sur le vagabondage de l'imaginaire entre le pays natal et le monde. 
 WEEK-END --- dimanche 17 juin 2007

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