Annik Mahaim Auteure Suisse
Action : Ile Maurice
"Ce que racontent les cannes à sucre" est le dernier roman d'Annik Mahaim. Il vient de paraître aux éditions Plaisir de Lire. Au terme de ma lecture, je peux dire que c'est un très beau voyage, riche en émotions et en surprises - même s'il m'a fallu un peu de temps pour trouver mes marques entre les deux narrateurs qui s'expriment tour à tour, offrant au lecteur plus d'un voyage.
Voyage
dans la géographie d'abord, le plus évident, puisque l'auteur propose à
son lectorat de marcher sur les pas
d'une scénariste, elle-même partie sur les traces du poète mauricien
Malcolm de Chazal pour un reportage télévisé. Puis voyage dans le
temps, puisqu'une fois sur place, la scénariste va se
retrouver face aux apparitions fantomatiques de Mesmin, planteur de
cannes à sucre actif au dix-neuvième siècle, à l'époque où
l'esclavagisme se meurt - du moins officiellement. Entre les deux
personnages, une relation complexe va s'installer, entre attachement
et répulsion. Temps contre géographie: riche dédale en perspective...
La
narratrice découvre ainsi le dédale que peut devenir un voyage sur
l'île Maurice. Il y a d'abord les trajets en bus,
tortueux et quelque peu inquiétants: va-t-on arriver? Et où?
Impression encore renforcée par la mention de localités qu'on ne connaît
guère. Ce dédale reflète l'existence variée et bien
remplie de Mesmin, qui a connu une destinée des plus tortueuses
également, roulant sa bosse entre Maurice et Pondichéry.
Et
dès le départ, la narratrice est tiraillée entre deux pulsions
apparemment contradictoires: d'un côté, elle a une
mission à accomplir, ce qui doit l'amener à visiter certains lieux
et à se documenter en bibliothèque. De l'autre, ne vaut-il pas mieux se
laisser guider par les rencontres et trouvailles de
hasard? Le récit se chargera de démontrer que la contradiction n'est
qu'apparente: dosant la passivité et la proactivité à la louche,
remettant peu à peu les pièces d'un puzzle apparemment peu
cohérent, la narratrice parvient à mener son projet à bien, même si
son travail n'a pas suivi la ligne droite et monotone d'une mission bien
huilée mais a suivi tous les détours du
labyrinthe.
Le
labyrinthe s'avère culturel également, et porteur d'une richesse
insoupçonnée que ce roman partage avec le lecteur.
L'auteur présente ainsi toute la diversité des populations qui se
pressent sur la petite île Maurice, d'origine tantôt indigène, tantôt
continentale africaine, tantôt chinoise ou indienne, tantôt
même européenne. Tout ce monde vit pleinement ses croyances et
pratiques, à deux niveaux puisque le brassage de populations intervient à
l'époque de Mesmin et à l'époque de la
scénariste, qui passe sans peine du français au créole dès qu'il
s'agit de discuter alors que Mesmin, métis à la peau claire, passe pour
un Occidental véritable... pour autant qu'il ne montre pas
trop qu'il maîtrise la langue tamoule.
Et
qui dit fantôme (de Mesmin) dit évidemment ingrédients d'un roman
fantastique. "Ce que racontent les cannes à sucre"
n'est certes pas un roman fantastique au sens strict, mais il en
exploite certains ingrédients pour créer une vision altérée et plus
riche du monde. Cela commence par l'apparition régulière d'un
verre de punch ou de vin rouge à proximité de la main de la
scénariste. Il y a aussi les pales du ventilateur qui, à force de
tourner, hypnotisent la narratrice lorsqu'elle se repose dans son
hôtel. Et puis il y a, comme un personnage récurrent, un mystérieux
cafard que la narratrice surnomme "Roi-du-Monde", puis "Reine-du-Monde".
Est-ce toujours le même? Il apparaît à plusieurs
reprises, ponctuellement, sur un bateau ou dans une chambre d'hôtel
miteuse, et rappelle un bijou de famille. Une famille plus petite qu'on
ne le croit au début, d'ailleurs...
Les
ambiances locales sont restituées dans toute leur richesse, visuelle
certes, avec des paysages qu'on devine
fascinants, riches d'une végétation que l'auteur se plaît à
détailler. Ces ambiances sont aussi recréées par les odeurs et éléments
pittoresques, sans compter, évidemment, les vers du poète
Malcolm de Chazal qui, cités de temps à autre, ajoutent encore une
once d'enchantement à ce tableau mauricien.
Annik Mahaim, Ce que racontent les cannes à sucre, Lausanne, Plaisir de Lire, 2011.
Le site de l'éditeur (que je remercie pour l'envoi).
extrait de :
http://fattorius.over-blog.com/article-annik-mahaim-un-voyage-labyrinthique-a-l-ile-maurice-76721744.html
extrait de :
http://fattorius.over-blog.com/article-annik-mahaim-un-voyage-labyrinthique-a-l-ile-maurice-76721744.html
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