Auteure mauricienne
Action à l'île Maurice pour l'essentiel des nouvelles
Passeport pour Moka, recueil de souvenirs d'enfance de
Michèle Malivel, historienne de l'art et conférencière,
montre qu'on ne sort pas indemne de l'étonnement du monde
insulaire. L'expérience marquante de l'exil va de pair
avec l'exubérance lyrique, illustrées par les lieux
traversés et qui fondent l'espace géographique du
livre. L'auteur se situe dans une entre-deux culture qui se fonde
à la fois sur la volonté de se pencher sur une enfance
heureuse pour la nommer et le besoin de se détacher des
manques. Un aller-retour entre l'enfance mauricienne et le monde.
Dix-sept nouvelles composent Passeport pour Moka, avec
comme élément principal des chroniques sociales,
dont le Bal de Saint Antoine, La Guerre en pointillé,
Ces demoiselles du Couvent de Lorette, Une journée à
Curepipe et bien d'autres. Il s'agit en fait de thèmes
qui proviennent de la vie quotidienne à l'époque
coloniale en même temps qu'ils s'appuient sur des événements
historiques.
Le fil conducteur des nouvelles de Michèle Malivel concerne
les lieux. Les récits évoquent principalement Maurice
comme lieu de narration et d'identification et d'autres pays dans
lesquels l'auteur a voyagé. Des récits de souvenirs
d'enfance heureuse au caractère cocasse. Ils se déroulent
au rythme de voyages (Moka, Curepipe). Les textes se densifient
autour d'images récurrentes et fortes pour le narrateur:
les maisons coloniales avec leurs "volées de marches",
leur mystère, les bals, les belles, les nénènes
et serviteurs, les petites filles modèles, un monde féerique
entouré de champs de cannes. "La vie sur la propriété
sucrière était merveilleuse. On prenait tout son
temps. On vivait au milieu des cannes et je ne sais rien de plus
attachant qu'un champ de cannes. D'abord, les jeunes pousses surgissent
de notre terre rouge timidement, leur vert tendre encore frissonnant.
Puis, adolescentes, elles arborent les fleurs ondoyantes justes
assez roses pour trancher avec le bleu du ciel… Je savais
juste que j'aimais m'asseoir pour les regarder dressées
autour de la maison comme un rempart inexpugnable. Elles étaient
les murs de mon palais enchanté, celles pour qui je n'avais
pas de secrets."
La référence à l'époque, le contexte
de naïveté rendent visibles les transformations profondes
qui ont marqué la société mauricienne après
la colonisation. Les nouvelles de Michèle Malivel correspondent
à un autre regard porté sur la réalité
coloniale en rapport avec le monde de l'enfance. Un imaginaire
serein et idéaliste qui laisse voir les séquelles
coloniales dans les mœurs et les mentalités.
Une des nouvelles qui sert d'ancrage et dont les motifs trouvent
leur source dans la période privilégiée de
l'enfance reste Passeport pour Moka. Un lieu qui excite
l'imagination de l'auteur avec ses belles demeures: Château
Trompette, les Quatre-Vents, Eureka, Amélie les Roses,
Clos Joli, Bellevue… Monde clos, dépositaire des
éléments de la francophonie. Évoquant ses
ancêtres exilés, le narrateur dira: "Beaucoup
donneront des noms français à leur domaine pour
mieux se souvenir, certes, mais aussi pour que tous sachent bien
d'où ils venaient. De même qu'il y a un terroir pour
le vin, le nom français était pour eux leur "appellation
d'origine" que chacun contrôlait soigneusement. Cela
permettait de les différencier de ces aventuriers sans
scrupule qui venaient faire fortune dans le commerce et dont l'origine
s'avérait, bien souvent, plus que douteuse ! Il y a toujours
de tout dans les îles…"
Le caractère autobiographique de ce genre de récits
éclate au détour de chaque page, conférant
au texte une certaine pesanteur. Les récits et microrécits
sont souvent cantonnés à la répétition
lassante d'un même schéma narratif: le voyage, l'exploration
des lieux à travers le regard de l'enfant, leurs particularités
et les émotions restituées. Reste l'écriture
de l'auteur, dont la verve se fonde sur une acuité descriptive
et une création lexicale abondante parfois bien inspirée.
Reste aussi ce réalisme magique qui donne aux actions les
plus banales une certaine densité. Par-dessus tout, la
quête de la narratrice devient un argument textuel qui peut
se ramener ici à un espace fondamental où les souvenirs
deviennent des trésors. Michèle Malivel aurait peut-être
gagné de nous livrer ses réflexions sur le vagabondage
de l'imaginaire entre le pays natal et le monde.
WEEK-END --- dimanche 17 juin 2007
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