Ananda Devi auteure mauricienne- Roman dont l'action se déroule en Inde.
L’histoire se déroule dans une ruelle dénommée ... la Ruelle,aux flaques d’eau croupies , aux ordures entassées dans les recoins. Veena se prostitue avec bien d’autres femmes sur un matelas , séparées les unes des autres par des parois qu’on peut imaginer en bois ou en toiles de tentes. Une bassine, un petit tabouret qui sert de siège et de table à la fois, voilà pour le décor sordide dans lequel évoluent Veena et ses compagnes d’infortune aux « grands sourires abîmés » aspergées de parfum qui ne dissipent même pas les « relents du mâle englués à leur peau »
Veena a une fille qui grandit miraculeusement cachée derrière la paroi . Veena s’en occupe peu n’éprouvant même pas de lui donner un prénom. C’est à l’âge de neuf ans que la petite fille va se trouver elle-même son prénom « Chinti » la petite fourmi.
Chinti devient vite la mascotte de toute la ruelle .
Veena a beaucoup de clients mais un en particulier Shivnath devient son numéro un. C’est un swami , un prêtre de haute caste que tout le monde respecte dans le quartier . Au départ Veena pense qu’elle a de la chance d’avoir un tel homme civilisé parmi ses clients mais « S’il y des hommes dont on ne peut pas dire qu’ils sont civilisés, ce sont les hommes de dieu » nous prévient la narratrice.
Il arpente le quartier des prostituées ouvertement. C’est pour les « racheter, leur apporter la consolation de l’éternité » argumente-t-il.
Shivnath ne croit pas vraiment en Kali mais il a hérité de son père et il a su tirer profit de son héritage. La narratrice n’est pas tendre avec la déesse et la société hindoue pour laquelle « kali est devenue une divinité comme une autre, un prétexte …., un symbole qui rassemble les imbéciles et permet de maîtriser les foules » Shivnath fait passer les prostituées pour les héritières de Kali, « victimes de la société qui les vilipende » Son devoir est de les ramener dans la voie de Kali.
Après des années passées à fréquenter Veena et les autres filles du quartier , Shivnath , le prêtre , le saint homme, rencontre Chinti et tombe peu à peu en extase devant la petite fille de dix ans qui électrise tous ses sens.Il la prend sous sa protection.
Dans la ruelle, il y a aussi une maison dans laquelle vit Sadhana. Harcelée, violée, par ses camarades de lycée , reniée par ses parents, cette petite fille née dans un corps de garçon, a trouvé refuge a seize ans dans la communauté des hijras . Elle a souffert le martyr lorsque la lame du couteau lui a fait perdre ses mâles attributs mais a survécu . Son amie, sa compagne au sein de la communauté se meurt lentement d’un cancer.
Sadhana observe la ruelle et petit à petit tombe sur le charme de la jeune Chinti qu’elle veut protéger des griffes des hommes et en particulier de Shivnath .
Petit à petit, Veena , de plus en plus délaissée par Shivnath , prend conscience de ce que manigance le prêtre . Elle qui ne s’est jamais bien occupée de sa fille , se prend soudainement d’une envie folle de la retrouver pour la protéger. Aidée en cela par Sadhana, qui elle aussi s’est prise d’affection pour ce rayon de soleil.
Toutes les deux vont se mettre en marche, au sens littéral du terme, car Shivnath a eu une idée pour contrer les ragots qui pullulent dans son dos. Il organise un pèlerinage à Bénarès pour faire de la jeune fille une déesse. Ainsi ses fidèles ne douteront plus que l’obsession qu’il éprouve envers Chinti n’a rien de malsain.
Le cortège des pèlerins avance vers la ville sainte, dans la boue ou la poussière . Toute une nuée de petits vendeurs, s’agglutine autour des processionnaires, jusqu’aux prostituées qui troquent les parois de la Ruelle contre les fourrés des bords des routes. Le besoin de prières allant de pair avec des besoins plus charnels.
Arrivé à Bénarès, Veena et Sadhana arriveront-elles à récupérer Chinti et à la sortir de l’emprise de Shivnath? Ce dernier arrivera-t-il à convaincre ses fidèles de la divinité de la jeune fille qui le transit d’amour?
« Manger l’autre » le premier roman d’Ananda Devi chez Grasset ne m’avait pas intéressé et je n’en étais pas venu à bout. « Le rire des déesses » retrouve le souffle unique d’une auteure formidable au style inimitable et imparable qui dénonce les injustices d’une civilisation indienne très dure et inégalitaire dans une oeuvre épique et magnifique.
J’aurais pu en rester sur cette impression fort positive si je n’avais pas lu ce roman en même temps que j’écoutais les débats de la primaire écologiste. Cet ouvrage m’est alors apparu comme une illustration de propagande militante de l’écoféminisme rousseauiste : Les hommes indiens sont tous des salauds , en particulier les religieux, qui utilisent et jettent le corps des femmes à leur guise. Les femmes sont toutes de pitoyables victimes sous l'emprise des hommes et les transgenres sont des êtres gentils , sensibles et très courageux, également victimes d’une société cruelle machiste.Enfin n'oublions pas les gentils musulmans indiens victimes des méchants hindous.Le tout sans aucune nuance.Tout l'intérêt s'en est allé.